La crise du Covid-19 et l’avenir de l’Etat en Afrique

Il est de coutume après chaque événement qui entraîne de grands bouleversements, telles que les guerres, les catastrophes naturelles ou de graves crises économiques, que les bases de la société soient revisitées. En Afrique comme ailleurs, se produira la remise en cause de nos échelles de valeurs et d’un certain nombre de fondamentaux : sociaux, culturels, économiques, etc… Par-delà les difficultés liées à la fragilité ou à l’inadéquation des systèmes sanitaires dans certains pays, la crise sanitaire pose le problème plus profond de la société dans laquelle veulent vivre les Africains, à l’étape actuelle de leur développement. C’est un questionnement de l’existant qui interpelle l’avenir, et invite les décideurs et les membres de la société à répondre à des questions importantes. De telles réflexions ont déjà commencé dans certains pays (ceux du Nord notamment) et nous aurions tort de les édulcorer, au moment où dans presque tous les pays africains, on semble « se chercher Â» dans les processus de ripostes pour, soit ralentir la propagation du Covid-19, soit prendre en charge les personnes qui en sont affectées.

La question a été posée à des experts d’ALG issus de divers domaines de compétences. Une cinquantaine de personnalités chevronnés présents sur le continent ou vivant dans les diasporas nous ont fait part de leurs sentiments et réflexions. Ils sont unanimes à admettre que cette crise sanitaire impose que l’entité étatique soit repensée en Afrique dans des éléments clés des attributs qui le caractérisent : il est question de repenser (de fond en comble) notre société, notre modèle de gouvernance, l’architecture de l’Etat dans son ensemble, les services publics qui seraient les plus adaptés aux défis actuels et les responsabilités qui reviennent aux différents acteurs ainsi que le rôle que le citoyen de demain doit jouer. Il est clair que l’approche que nous proposons doit conduire à des sociétés plus démocratiques adossées à un Etat dont les capacités sur plusieurs plans doivent être renforcées.

Comment repenser l’Afrique et refonder une nouvelle société d’espérance ?

La crise sanitaire impose la remise en cause

ALG propose de poursuivre et approfondir ces réflexions et les axer sur des aspects clés de la gouvernance qui aideront non seulement à comprendre le phénomène de la pandémie du COVID 19, mais surtout, identifier des pistes pour en endiguer les effets dans un futur proche. Nous avons pour cela identifié sept (7) domaine de la gestion publique par rapports auxquels notre équipe fait une analyse sommaire en dégageant des questions de recherche. Intervenant sur le continent auprès des Etats et avec des partenaires de références qui agissent sur le terrain dans ces domaines, notre démarche constitue une invitation à opérer au plus vite et à l’échelle de chaque pays les études prospectives participatives qui dégageront les voies vers les meilleures décisions stratégiques.

Voici les domaines de nos réflexions préliminaires :

  • Le système sanitaire : quel système de santé est adapté pour l’après Covid-19 pour les pays africains ? D’un pays à l’autre on a vu les limites des systèmes de soin. Les observations transversales ont fait constater çà et là : le manque ou l’insuffisance des personnels, la rareté des ressources affectées, le manque de matériel et équipement, le manque ou l’insuffisance des investissements dans la recherche, etc… Les questions de recherches d’ALG concernant le système sanitaire sont : Comment améliorer l’hygiène publique ? Quels équipements pour la santé de la population ? Quelle protection pour le personnel sanitaire du public ?
  • L’éducation africaine de demain: la crise sanitaire a également montré les limites des systèmes éducatifs actuels. Face à la pandémie, les gouvernements ont pris la précaution de fermer les écoles. Mais les conséquences à court et moyen termes sont à craindre. Les solutions existent et doivent être pensées de manière à s’intégrer dans les pratiques éducatives actuelles. Il s’agit notamment de la continuité pédagogique et de la formation continue en ligne, l’intégration des EdTech et des Moocs, les cours et évaluations via les médias sociaux, etc…
  • Le travail et les services publics: la crise sanitaire a montré aussi la faiblesse des systèmes administratifs en place tant au niveau de l’Etat central que des entités de la gouvernance locale. A l’ère du confinement la solution pour plusieurs entreprises est le télétravail. Mais quel pourcentage du personnel d’une entreprise ou d’une organisation peut maintenir à distance le fonctionnement et garantir la productivité ? La question devient encore plus cruciale avec l’administration publique où les procédures face à l’impératif du télétravail demandent une adaptation de fond. Il faut repenser le travail (vu comme emploi) dans le nouveau contexte de la gouvernance à l’ère des technologies et des réseaux sociaux. De nouveaux outils nécessitent d’être développés, de nouvelles formations implémentées, pour assurer la viabilité du travail dans les situations normales et de crise.
  • Le numérique : La crise sanitaire à démontré dans tous les pays du continent l’importance du numérique dans la gestion publique. Qu’il s’agisse de l’information des populations, de l’engagement des communautés ou encore des apps pour faire face aux défis de distance sociale ou pour la distribution des masques, on a vu émerger de multiples initiatives salutaires. La pénétration de la téléphonie mobile et les usages nouveaux de l’Internet dans les sociétés africaines créent des opportunités incontestables. Quelques questions se posent cependant qui interpellent les pouvoirs publics : Comment vulgariser les potentialités positives des usages numériques au service de la population dans son ensemble ? Comment protéger les données personnelles ? Comment assurer la formation des usagers des technologies de l’information pour les usages de développement et de protection sociale ? Comment rendre ces technologies plus accessibles au plus grand nombre ?
  • Démocratie et gouvernance : La crise du Covid19 a éprouvé à travers le continent les différents gouvernements et laissé apparaître d’un pays à l’autre des faiblesses dans l’édifice des modèles institutionnels en place. Les processus décisionnels ont changé par endroit et l’Etat a dû se forger des mécanismes rarement usités pour continuer à user de sa puissance publique. Le niveau de réceptivité des citoyens démontre l’importance de repenser ou renforcer certains de ces mécanismes. L’après pandémie nous incite à anticiper des actions qui vont permettre de relever les défis qui rendront la gouvernance plus à même de répondre aux attentes des populations. ALG soulève sur ce point des questions de recherches variées : quelles nouvelles approches d’aménagement du territoire ? Quels apports les innovations technologiques et les nouveaux modes de participation peuvent-ils faire à la démocratie ? Comment mettre à contribution les citoyens en situation de crise ? Quelles interactions entre élus et citoyens dans les circonstances exceptionnelles ?
  • Gouvernance locale : La crise sanitaire a révélé le fossé qui existe entre les centres urbains africains et les mondes ruraux. Alors que les villes sont les cadres d’expression de la mondialisation, elles ont par ce biais été les premiers réceptacles de la propagation du virus. Cependant les villages ont dû faire face à la précarité avec l’éloignement des centres et équipements de santé adéquats. Les autorités locales ont joué d’un pays à l’autre des rôles discutables en raison des compétences qui sont les leur en situation normale. Certains gouvernements n’ont pas su tirer profit des avantages des mécanismes de proximité dans les solutions de riposte à la pandémie. Face à ces différentes expériences, les questions de recherches d’ALG sont de divers ordres : comment répartir pour le mieux les compétences entre le gouvernement central et les collectivités locales ? Comment régler la question des inégalités sociales induites par les « inégalités territoriales » en considérant les capacités des communes urbaines à côté de celles rurales ? Quelle et quel rôle pour la diaspora dans le processus décisionnel et la gestion des affaires locales ?
  • Solidarités et partage des richesses : Le Coronavirus par ses modes de contamination a érigé une égalité de fait entre riches et pauvres en Afrique. Mais en réalité, les situations d’état d’urgence, de couvre-feu ou de confinement ont fait apparaître des réalités plus poignantes. D’un pays à l’autre, la situation des personnes vulnérables n’a pas manqué interpeller les observateurs tout comme les dirigeants. Les groupes les plus vulnérables : les personnes âgées, les enfants de la rue, les veuves, les agents de l’économie informelle, ont montré en quoi il est nécessaire d’avoir des politiques publiques adaptées. Des gouvernements ont pu mettre en place des décisions de solidarité nationale pour juguler certaines situations. Cependant à moyen et long terme, les questions qui se posent se rapportent à la répartition des richesses. Comment assurer la relance économique après la pandémie eu égard à la situation des groupes défavorisés ? Quels dispositifs de justice fiscale pour protéger les acteurs du secteur informel et les PME-PMI ?

Face à toutes ces questions, les experts d’ALG proposent pour chaque pays considéré une analyse diagnostique et dégagent des pistes d’actions prioritaires. Ils formulent des approchent méthodologies adaptées à chaque situation étudiée pour ensuite préconiser des modalités pratiques pour l’accompagnement du changement, de l’après Covid-19.

Pour plus d’information sur ce travail, écrire à : [email protected]

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Stratégies de Prévention et de Lutte contre la Corruption

Lorsque dans un pays l’on décide de combattre la corruption, le problème essentiel à résoudre est de déterminer les mesures les plus adéquates susceptibles de produire des résultats au regard de l’ampleur du phénomène. Il existe plusieurs types de mesures qui peuvent être prises pour combattre la corruption. Elles sont le fait soit de l’Etat au niveau élevé, soit d’une agence gouvernementale ou soit d’une structure administrative. Ces mesures ne sont pas statiques. Tout en s’adaptant à la situation présente, elles doivent tendre à anticiper l’avenir tout en se conformant aux exigences de leur mise en œuvre effective.

ALG accompagne les pouvoirs publics africains dans l’élaboration et la mise en oeuvre d’initiatives de lutte contre la corruption. Nous avons déjà déployé ce type d’intervention dans trois pays, en apportant notre expertise tant dans la préparation des dispositifs normatifs de la lutte anti-corruption que dans la conduite d’études qui ont permis à l’Etat de combattre efficacement le phénomène.

Nous proposons dans cet article quelques mesures sur la prévention et la lutte contre la corruption. Elles font parties des outils et méthodes que ALG en appui aux institutions publiques engagées dans le combat contre le phénomène.

1. Formulation d’un code de conduite

Le code de conduite pour les agents publics a plusieurs buts:

C’est une déclaration qui détermine le climat d’éthique qu’on veut instaurer au sein de l’administration considérée.  Le code fixe les standards de conduite éthique qu’on attend des agents publics. Il informe le public sur quelles attitude et conduite espérer des agents. Bien conçu, le code de conduite est le point de départ d’une stratégie de prévention de la corruption. Bien entendu, une entreprise privée toute comme une ONG peut également mettre en place un code de conduite pour prévenir des pratiques de corruption en son sein.

Les Nations Unies recommandent des éléments d’un code d’éthique ou de conduite pour les agents publics:

  • Reconnaître que la position d’agent public est celle de confiance, les obligeant à travailler dans l’intérêt général.
  • S’engager à travailler dans l’intégrité, la loyauté, l’impartialité…
  • Ne pas accepter ou demander une promesse ou un cadeau, dans l’accomplissement de leurs fonction; etc…

2. Mise en place d’une unité d’audit interne

L’objectif est d’initier un mécanisme d’analyse de risques. L’administration peut décider de mettre en place un mécanisme de contrôle interne. L’unité d’audit est un outil de management. Elle supervise à la fois la structure et les tâches exécutées en fonction des règles établies. L’unité d’audit veille à prévenir la corruption dans l’exercice des fonctions. L’idée est d’assurer une certaine permanence dans le contrôle. Dans le cadre des entreprises publiques ou privées, l’audit interne est un mécanisme assez efficace qui permet d’atteindre des résultats tout en limitant des actes de nature corruptive.

 

3. Des mesures spécifiques de lutte anti-corruption

Ces mesures spécifiques doivent faire partie d’une stratégie globale de lutte contre la corruption. Elles concernent directement l’administration ou l’entité concernée de manière à assurer la gestion transparente des activités et du fonctionnement. En voici quelques unes :

  • La sélection stricte du personnel.
  • La sensibilisation régulière des agents assignés à des positions corruptibles.
  • Les rotations du staff et des employés…
  • La séparation des fonctions pour éviter des concentrations de pouvoirs entre les mains d’une seule personne.
  • Standardisation des procédures de tâches récurrentes.
  • Vérification interne et externe des chèques et facturations.
  • Application du principe des « quatre yeux Â» sur les contacts avec l’extérieur dans la formation des équipes.

 

4. Quelques mesures de prévention

En matière de corruption qu’en d’autres matières, prévenir vaut mieux que guérir. Les mesures de prévention de la corruption sont variées mais elles se relient entre elles. Je vous propose quelques mesures de prévention qui ont été développées pour les Etats de l’Union Européenne. Quatre axes de mesures à considérer…

Promotion de l’intégrité et de la coopération

L’objectif est de promouvoir l’intégrité et la coopération contre la corruption dans toute la société. Les outils sont : sensibilisation, éducation, informations, enquêtes, publications sur la corruption. On peut ajouter l’appui aux médias et au journalisme d’investigation, appui à la société civile, coopération entre public/privé, collaboration entre les institutions de la justice criminelle, plans anti-corruption, …Etc.

Les groupes cibles sont variés : la société civile en général et les médias, Institutions de l’éducation, monde des affaires, acteurs et partis politiques, parlement, institutions gouvernementales, collectivités locales, administration publique, pouvoir judiciaire.

Transparence et imputabilité

Objectif: renforcer la transparence et l’imputabilité entre l’administration publique, le monde des affaires et les organisations de la société civile qui peuvent être vulnérables à la corruption. Les outils sont variés: renforcement de la bonne gouvernance au sein de l’administration, application de code de conduite.

Pour promouvoir la transparence et l’imputabilité, il y a plusieurs démarches et des initiatives à prendre. Elles demandent une certaine volonté politique, l’indépendance des institutions et leur bonne séparation. Parmi ces mesures :

  • Réglementation du financement des partis politiques.
  • Implication de la société civile dans les prises de décision
  • Accès à l’information.
  • Règles sur les approvisionnements publics
  • Règles sur les conflits d’intérêt
  • Base de données des contrats publics…
  • Réduction des risques et des opportunités

Objectif: réduire les risques et les opportunités de corruption… Les outils utilisés sont: analyse de risques, mécanismes anti-fraudes, listes noires, journalisme d’investigation. La cible : tous les secteurs de la société vulnérables à la corruption.

Le contrôle

Objectif: vérifier le respect des règles et procédures dans les secteurs vulnérables. Outils: audit systématique, vérification des conflits d’intérêt… Cibles: Institutions et individus vulnérables à la corruption.

 

Conclusion

Ces différentes approches et techniques de prévention et de lutte contre la corruption doivent faire l’objet d’un plan bien réfléchi et mis en œuvre dans la structure ou l’administration considérée. Les résultats doivent être suivis et les actions modulées de manière à les adapter aux nouveaux besoins susceptibles d’émerger.

Dany K. Ayida (Expert ALG en gouvernance et lutte anti-corruption)

 

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